Un dimanche au détour d'une ruelle de la butte Montmartre, deux musiciens étaient engagés dans un duo de Jazz Manouche. J'étais comme happée par les notes, par la spontanéité du jeu. Tout mon corps s'est arrêté. C'était comme impératif. Un désir impérieux mû par l'écoute. Tout était musique. Le temps pour moi suspendu. Puis mes yeux retrouvés sont tombés sur la quinzaine de touristes assis tout autour de nos artistes sur un bout du trottoir. Leurs oreilles étaient à moins de deux mètres mais tous leurs yeux étaient tournés sur leurs smartphones. Pas là. Ils étaient tous venus à Paris pour être ailleurs. Peut -être en grande conversation avec la rumeur du monde. Cela pourrait être moi à un tout autre moment. J'ai eu envie de prendre la photo que j'aurais partagée avec vous maintenant... Mais mon smartphone a renâclé. J'ai souri ! Vraiment connecté celui-là !
Je vous partage donc mon émotion bien réelle avec ces mots sans photo en faisant appel à votre imaginaire. J'ai cette interrogation en bouche, Comment choisir d'être au monde ?
J'ai tout de suite pensé à l'histoire de Socrate et des trois tamis
"Socrate, Socrate, j'ai quelque-chose à te dire" interpelle un disciple
Socrate lui demande "Ce que tu veux me dire est- il utile ?" "non pas du tout", lui répond l'adepte
Alors " Est-ce quelque chose de beau?" "Non au contraire". Et bien continue Socrate " Si ce n'est ni utile ni beau, est-ce au moins vrai ?" " Je ne sais pas, je le tiens d'une personne qui m'a dit que..."
Socrate ne le laisse pas terminer sa phrase et lui dit "Si ce que tu veux me dire n'est ni utile, ni beau, ni vrai, je ne souhaite pas l'entendre et quant à toi je te conseille de l'oublier"
Comment éveiller donc ce Socrate intérieur à chaque détour d'une ruelle?
Urgence urgence, dis moi qu'elle est la plus urgente
Quand j'ai fini de regarder mes sms, mes mails, mes groupes what'sapp s'activent. Pendant ce temps, Facebook déroule son fil d'actualité... Le flux de sollicitations est tel que nous pouvons avoir la sensation de débordement, comme un panier percé par une sorte d'impuissance à trier. Nous pouvons aussi être tentés de nous débarrasser des réponses comme des patates chaudes, comme une sensation impérieuse à devoir répercuter le soi-disant degré d'urgence de l'autre.
Dans notre société de l'immédiateté, sommes-nous en train de devenir comme ce disciple des colporteurs de rumeur, des buzzeurs d'anecdotes?
Lorsque j'écris à ma banquière, si je mets "urgent" dans l'objet, mon mail est traité même si elle est absente. Ce qui n'est pas le cas sinon. C'est la surenchère avérée ! En transférant ma sensation d'urgence à l'autre si l'autre ne fait pas de tri, pas étonnant que cela surchauffe. Pour éviter cette valse des patates chaudes, il s'agit de quantifier et de qualifier nos urgences.
Combien d'urgences avons-nous l'impression d'avoir eu cette semaine? Posons-nous la question : 0 à 5 ? 5 à 10? 10 à 50 ? plus ?
Combien, depuis notre naissance, avons-nous eu de véritables urgences ? J'ai compté moins de 10 personnellement ! Ma moyenne est de moins d'une urgence avérée par an ! Et vous?
En cas d'accident grave, le pompier qui va s'occuper de vous, vous le souhaitez comment ? Calme ou agité ? Jusqu'à présent à l'exception d'une dame qui m'a dit beau, tout le monde s'accorde sur calme ! Pour bien gérer l'urgence et l'importance il s'agit donc d 'être CALME. Pour traiter les choses moins graves et moins urgentes, nous pouvons demeurer aussi calme ! Voilà donc un premier petit filtre qui peut nous permettre d'établir un cocon, une bulle de confort entre ce qui "entre comme sollicitation" et notre réponse. C'est là notre véritable liberté. La liberté intérieure. Nous avons un Sas entre le stimuli et notre réponse. Nous disposons de tout notre temps à l'intérieur de ce Sas pour nous laisser inspirer une réponse féconde. Parfois la fécondité est aussi de ne pas répondre.
Prendre conscience que notre responsabilité est dans ce libre arbitre. Je suis en mesure de choisir ce que je veux voir ou non. Est-ce-que je suis en mesure de prendre autant de temps qu'il me faut pour avoir une réponse qui est mienne ?
La qualité de notre vie dépend de la qualité de nos filtres, de la qualité de nos questions. Nous avons tous la capacité à choisir nos filtres en conscience.
Mais où trouver ce calme?
Il existe un espace intérieur où c'est calme et limpide en chacun de nous. Pour cela il faut accueillir toutes les émotions de surface. Comme des vaguelettes superficielles créées par le vent en surface d'un lac à la profondeur tranquille. Plus nous habitons notre corps à la périphérie, plus nous allons être touchés par l'agitation du monde. A l'inverse plus nous nous sommes centrés, plus nous impactons le monde.
Ce Socrate intérieur je le perçois au centre de mon être. Lorsque ma conscience est en ce lieu, les trois tamis opèrent et trient spontanément, et mes actions sont fécondes.
Surtout ne me croyez pas, faites- en l'expérience! Cela sonne-t-il juste pour vous?